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Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 8.djvu/213

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ÉLOGE HISTORIQUE

La peste, dont il était plus permis de s’effrayer que des Mameloucks, ne l’émut pas davantage, et il n’eut pas seulement le courage de la braver ; il eut celui de ne pas vouloir la méconnaître, lorsque, pendant l’expédition de Syrie, le général cherchait à se dissimuler à lui-même et à cacher à ses troupes ce funeste secret. Sa franchise lui attira, dans un conseil les plus violents reproches. Il répondit avec son sang-froid ordinaire : « Dans huit jours je ne serai malheureusement que trop vengé. » En effet, l’entreprise sur Acre ayant échoué, la contagion faisant chaque jour de nouvelles victimes, une prompte retraite put seule sauver ce qui restait de l’armée[1]. Ce fut une nouvelle épreuve pour M. Berthollet. Obligé de céder à des généraux blessés le carrosse dans lequel il était venu, et de traverser à pied vingt lieues de désert, il fit ce chemin comme il aurait fait une promenade.

Rien ne plaît davantage que cette résignation dans la souffrance, à un chef d’un caractère absolu, et qui ne voit que des instruments dans les autres hommes. Et combien surtout n’était-elle pas précieuse de la part d’un personnage qu’il pouvait à tant de titres donner en exemple ! Devenu inséparable de M. Berthollet, il le prit avec lui et l’embarqua à l’improviste[2] pour ce retour qui devait produire en France une si prompte et si grande révolution. Dans cette immense puissance où il fut bientôt porté, au milieu de ce tourbillon qui ne lui permettait de prendre de rien une connaissance approfondie, son chimiste d’Égypte était devenu pour lui

  1. On se retira le 20 mai 1799.
  2. 23 août 1799.