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Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 8.djvu/223

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de bonne heure il est au Jardin du Roi. Buffon, le voyant si jeune, fait semblant de croire qu’il est le fils de celui qui lui avait écrit ; il le comble d’éloges. Une heure après, chez Gluck, il en est embrassé avec tendresse ; il s’entend dire qu’il a mieux réussi que Gluck lui-même dans le récitatif : Il est enfin dans ma puissance, que Jean-Jacques Rousseau a rendu si célèbre. Le même jour M. de Montazet, archevêque de Lyon, son parent, membre de l’Académie française, le garde à un dîner où se devait trouver l’élite des académiciens. On y lit des morceaux de poésie et d’éloquence : il y prend part à une de ces conversations vives et nourries si rares ailleurs que dans une grande capitale. Enfin il passe le soir dans la loge de Gluck à entendre une représentation d’Alceste. Cette journée ressembla à un enchantement continuel ; il était transporté, et ce fut au milieu de ce bonheur qu’il fit le vœu de se consacrer désormais à la double carrière de la science et de l’art musical.

Ses plans étaient bien ceux d’un jeune homme qui ne connaît encore de la vie que ses douceurs, et du monde que ce qu’il a d’attrayant. Rendre à l’art musical, par une expression plus vive et plus variée, ce pouvoir qu’il exerçait sur les anciens et dont les récits nous étonnent encore ; porter dans la physique cette élévation de vues et ces tableaux éloquents par lesquels l’Histoire Naturelle de Buffon avait acquis tant de célébrité : voilà ce qu’il se proposait, ce que déja dans son idée il se représentait comme à moitié obtenu.

On conçoit que ni l’un ni l’autre de ces projets ne pouvait se présenter sous le même jour à de graves magistrats ou à de vieux officiers tels qu’étaient presque tous ses parents. Non pas qu’ils pensassent comme ce frère de Descartes, con-