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Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 8.djvu/224

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seiller dans un parlement de province, qui croyait sa famille déshonorée parce qu’elle avait produit un auteur ; les esprits étaient plus éclairés à Agen vers la fin du dix-huitième siècle qu’en Bretagne dans le commencement du dix-septième : mais des personnages âgés et pleins d’expérience pouvaient craindre qu’un jeune homme ne présumât trop de ses forces, et qu’un vain espoir de gloire n’eût pour lui d’autre effet que de lui faire manquer sa fortune. D’après ses liaisons et ses alliances il pouvait espérer un sort également honorable dans la robe, dans l’armée ou dans la diplomatie : on lui laissait le choix d’un état, mais on le pressait d’en prendre un ; et sa tendresse pour ses parents l’aurait peut-être emporté sur ses projets, s’il ne se fût présenté à lui un moyen inattendu de sortir d’embarras. Un prince allemand dont il avait fait la connaissance à Paris se chargea de lui procurer un brevet de colonel au service des Cercles, service peu pénible comme on sait, ou plutôt qui n’en était pas un ; car nous apprenons de M. de Lacépède, dans ses Mémoires, que bien qu’il ait fait vers ce temps-là deux voyages en Allemagne, il n’a jamais vu son régiment ; mais enfin, tel qu’il était, ce service donnait un titre, un uniforme et des épaulettes ; la famille s’en contenta, et le jeune colonel eut désormais la permission de se livrer à ses goûts. Ce qu’il y eut de plus plaisant, c’est que bien autrement persuasif que Descartes, il détermina son père lui-même à quitter la robe, à accepter le titre de conseiller d’épée du Landgrave de Hesse-Hombourg, et à paraître dans le monde vêtu en cavalier. Ce bon vieillard se proposait de venir s’établir à Paris avec son fils, lorsque la mort l’enleva après une maladie douloureuse en 1783.

Dans le double plan de vie que M. de Lacépède s’était tracé,