Aller au contenu

Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 8.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donnant par ces deux moyens une expression plus forte, puisqu’elle est à la fois plus durable, plue étendue et plus variée. Elle exprime plus vivement nos passions et le désordre de nos agitations intérieures, en franchissant de plus grands intervalles de l’échelle musicale et en les franchissant plus rapidement ; elle recueille les cris que la passion arrache, ceux de la douleur, ceux de la joie, tous les tons enfin que la nature a destinés à accompagner et par conséquent à caractériser les effets que la musique veut peindre. De l’identité du langage, de celle des sentiments qu’ils ont à exprimer, résultent, pour le musicien, les mêmes devoirs que pour le poète. Toute pièce de musique, qu’elle soit ou non jointe à des paroles, est un poëme : mêmes précautions dans l’exposition, mêmes règles dans la marche, même succession dans les passions ; tous les mouvements en doivent être semblables ; il n’est point de caractère, point de situation que le musicien ne doive et ne puisse rendre par les signes qui lui sont propres. L’auteur jugeait même possible de rappeler à l’esprit les choses inanimées, par l’imitation des sons qui les accompagnent d’ordinaire, ou par des combinaisons de sons propres à réveiller des idées analogues.

Cet ouvrage écrit avec feu, et plein de cette éloquence naturelle à un jeune homme passionné pour son sujet, fut accueilli avec faveur, surtout par l’un des deux partis qui divisaient alors les amateurs de musique, celui des gluckistes, qui y reconnurent les principes de leur chef exprimés avec plus de netteté et d’élégance que ce chef ne l’aurait pu faire. Le grand roi de Prusse Frédéric II, lui-même comme on sait musicien et poète, et dont les compliments n’étaient pas du style de chancellerie, lui écrivit une lettre flatteuse ; et ce