Page:Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, tome 11.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Morlhon le fort qu’on appelle Château des Anglais, et de là ils bombardèrent la ville qu’ils détruisirent entièrement.

Il appartient à l’histoire d’apporter des éclaircissements à cette tradition, que M. de Gaujal paraît avoir ignorée.

Dans le livre de paroisse de Saint-Jean-d’Aigremont, M. l’abbé Lafon, aumônier des prisons de Villefranche, cite un passage tiré de quelques feuilles du cartulaire des Cordeliers de cette Ville, qu’il a eu l’heureuse fortune de découvrir chez les héritiers des acheteurs de ce couvent comme bien national[1].

Ce n’est pas, comme le pense M. de Gaujal, l’invasion des Normands qui fut funeste à notre cité, mais bien celle des Maures ou Sarrasins.

En 725, sous là conduite de leur roi Ambiza, les Maures, chassés de Rodez par Eudes, duc d’Aquitaine, se divisèrent en deux bandes, l’une alla piller le monastère de Conques, l’autre suivit l’ancienne voie romaine de Cahors. Carentomag se trouvait sur son passage. Les Maures établirent un camp retranché au Mauron, et de là, tombant à l’improviste sur la ville, ils la détruisirent de fond en comble. Ambiza se porta ensuite, avec ses hordes musulmanes, dans la vallée de l’Aveyron, pour se diriger sur Saint-Antonin ; mais dans cette riante vallée se trouvait la ville qui nous occupe, et ses richesses ne manquèrent pas d’exciter la cupidité de ces barbares. Ne pouvant y pénétrer, il résolut de s’en emparer par surprise. Choisissant dans les environs un lieu pour s’y fortifier et attendre le moment favorable à son entreprise, Ambiza fit construire une forteresse à Morlhon[2], à l’endroit où se trouvent aujourd’hui les ruines du château des Anglais. De ce point inaccessible, les Maures purent surveiller la cité jusqu’au moment où, pénétrant dans son

  1. Ces pages ont été écrites en 1501.
  2. L’orthographe Morlhon est la vraie : en langue romane, ce mot doit se prononcer Morlion. Dans le dialecte du Rouergue, dérivé de cette langue, on dit Mourliou (lieu des Maures).