Page:Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, tome 11.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

multis homicidiis infami (Gallia chr., t. II, 261). Une tradition constante a perpétué sur ce lieu un souvenir d’horreur[1].

  1. La religion des druides résista, dans le Bas-Rouergue, à l’invasion romaine ; ce ne fut que vers le VIe siècle qu’elle disparut de nos forêts, ne laissant après elle que des légendes et des monuments informes.
    Au Ve siècle, ce furent des druides qui, non loin du Puech-d’Elves, excitèrent les païens de ces contrées à mettre à mort saint Grat et son compagnon saint Ansute. Partis de Rome, dont ils étaient originaires, ces hommes pieux étaient venus se retirer dans le Bas-Rouergue, dans un lieu solitaire qui fut appelé plus tard Capdenac. De là ils allaient enseigner la foi du Christ aux paysans idolâtres.
    La tradition locale montre encore les ruines d’une petite chapelle près d’un ruisseau qui coule au pied de Capdenac-La-Bastide. Saint Grat et saint Ansute l’auraient fait construire. Pendant le moyen-âge elle était l’église de la paroisse, et les reliques de saint Men y attiraient des contrées environnantes un grand nombre de pieux pèlerins. La tradition montre encore (propè Cadenacum, in dioecesi Ruthenensi), à environ une centaine de pas de l’église en allant au village de Saint-Grat et à la droite du chemin du côté de l’orient, le lieu où saint Ansute et saint Grat furent décapités.
    Les restes précieux de ces deux saints furent recueillis pieusement par les chrétiens que saint Grat avait convertis à Jésus-Christ ; ils furent portés à environ une demi-heure de chemin et disposés dans une grotte qui fut bientôt une chapelle souterraine ou crypte et qui attira en ce lieu beaucoup de chrétiens allant implorer la protection des martyrs. Les reliques des deux saints restèrent dans ce caveau et s’y conservèrent pendant les nombreuses persécutions des Sarrasins au VIIe et au VIIIe siècle.
    Au IXe siècle, le calme s’étant fait, saint Gaubert, évêque de Rodez, ami de saint Géraud, comte d’Aurillac, qui avait fondé, d’accord avec l’évêque, l’abbaye de Vailhourles, contribua aussi en grande partie à faire élever, à une demi-lieue de son monastère, une église sur le caveau où étaient les reliques de saint Grat et de saint Ansute.
    Cette église fut dédiée à saint Grat. Des maisons se groupèrent autour d’elle, bientôt ce fut un village. Un château se construisit à côté de l’église, et au XIIe siècle nous voyons les seigneurs de Saint-Grat se trouver inscrits parmi les plus grands bienfaiteurs de l’abbaye qui se bâtissait à Loc-Dieu (Gallia chr.).
    La crypte qui, au XIIIe siècle, avait sauvé les reliques de saint Grat et de saint Ansute de la fureur des Sarrasins, au XIIIe siècle de la profanation des Albigeois, au XVIe de celle des Huguenots, et au XVIIIe de la rage impie des révolutionnaires, a été démolie entièrement en 1868. À cette époque on agrandit considérablement l’église de Saint-Grat, et trouvant que la voûte de la crypte placée sous l’autel élevait trop le sanctuaire, on la détruisit pour mettre le chœur au niveau de la nef de l’église. Nous ne pouvons que partager les regrets qu’expriment encore aujourd’hui la paroisse de Saint-Grat et celles des environs, au souvenir de cette antique crypte. Il serait temps qu’on songeât à arrêter de pareils actes de vandalisme, qui souvent, sous de prétextes futiles, détruisent de vieux monuments élevés par la piété des générations passées.