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les moines s’empressèrent d’aller visiter, de réparer et d’y offrir le saint sacrifice, en attendant que Aldoin, seigneur de Parizot, et plusieurs autres riches personnages de la contrée, leur fissent don de terres nécessaires pour s’y bâtir et y vivre du produit de leurs mains.

D’abord effrayés par la présence de ces hommes au costume si étrange, les habitants du pays finirent peu à peu par s’habituer à les voir, et quelques-uns d’entre eux furent même les visiter. Enfin les cénobites surent si bien gagner leur confiance, que ceux-ci leur apportèrent des fruits et des vêtements.

Les épreuves qu’eurent à supporter ces courageux moines devinrent légendaires, et le récit nous en a été conservé par l’un d’eux, dans un manuscrit que nous avons trouvé à la bibliothèque de Troyes (Aube).

Voici ce que raconte le frère Ivofaldus, dans son manuscrit sur la vie de l’abbé Guillaume, prieur de Loc-Dieu :

« Une nuit d’hiver, les cellules des moines se trouvèrent entourées d’un nombre prodigieux de bêtes féroces accourues de contrées environnantes. Elles faisaient tant de bruit et poussaient des hurlements si épouvantables que la forêt en retentissait; les pauvres cénobites se crurent perdus. Ces bêtes sauvages montèrent sur les cabanes des moines, ou bien les entourèrent de toute part comme pour les renverser, les détruire et dévorer les religieux. »

Guillaume apprit, pendant qu’il était en oraison, que le démon, sous cette forme d’animaux féroces, redoublait de rage pour le chasser de ce bois et les empêcher de s’établir dans un lieu horrible et abandonné qui lui apparte nait depuis des siècles. Au milieu du bruit épouvantable que faisaient tous ces animaux en fureur, Guillaume sortit de sa cellule et parut devant eux sans éprouver la moindre crainte. Tenant la croix d’une main au nom de Jésus-Christ, il leur ordonne à l’instant de se retirer et de ne plus troubler dans leur retraite des religieux venus dans cette forêt pour travailler au salut de leur âme et à la gloire du Dieu unique qui les avait créés, et de qui elles dépendaient.