Page:Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, tome 11.djvu/380

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Aussitôt à sa voix, et au signe de la rédemption qu'il fit devant elles, toutes ces bêtes obéirent et rentrèrent dans leurs retraites d'où le démon les avait fait sortir. »

Le démon ne se donna pas pour battu après cette première défaite. Quelques jours après, il essaya de nouveau sous une autre forme de chasser encore de cette forêt ces pieux cénobites et de reconquérir l'empire qu'ils étaient venus lui enlever.

« Un jour une bande d'assassins très nombreuse, armée de lances et de piques se présenta autour des cellules des religieux en poussant des cris de rage et de mort. Un des chefs de la bande s'écria : Il faut brûler tous ces moines dans leurs cabanes, afin qu'ils servent de torche pour éclairer la forêt pendant la nuit ! Un autre dit : Il vaut mieux percer à coups de piques ces moines audacieux et suspendre ensuite leurs cadavres aux branches des arbres de la forêt pour effrayer ceux qui seraient encore assez téméraires pour tenter d'en augmenter le nombre en ce lieu. »

« Pendant qu'ils commençaient à se mettre à l'œuvre et que le chef de cette bande d'assassins secouait violemment la porte de la cellule de l'abbé, Guillaume sortit aussitôt sa tête blanche et vénérable à travers les branches d'arbre formant sa toiture, et d'une voix ferme leur demanda hardiment ce qu'ils voulaient... A la vue de cette tête de vieillard calme et assurée les interpellant ainsi, les scélérats surpris et comme saisis de frayeur, se jettent aussitôt par terre... Mais bientôt revenus de leur épouvante, ils demandent à genoux humblement à l'abbé sa bénédiction et la permission de rester et de vivre avec lui, pour y faire pénitence de leurs crimes et travailler au salut de leur âme. »

Souvent aussi des visiteurs d'un autre genre venaient troubler leur solitude.

Comme nous venons de le dire, ces bois épais de Loc-Dieu étaient habités depuis des siècles par des bandes de voleurs de toute espèce qui vivaient du produit de leurs rapines, et se regardaient comme les seuls maîtres de cette forêt. Ils venaient autour des cellules des solitaires