Aller au contenu

Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
LE ROI AUX TUILERIES

Élisée avait le privilège des hommes déshonorés : on leur passe tout parce qu’ils ne sont honteux de rien.

Ce n’était que pour l’absolue nécessité de faire nettoyer les Tuileries que le Roi consentait à s’en éloigner momentanément. Le palais était habité par plus de huit cents personnes, fort mal soigneuses. Il y avait des cuisines à tous les étages ; et le manque absolu de caves et d’égouts rendait la présence de toutes les espèces d’immondices tellement pestilentielle qu’on était presque asphyxié en montant l’escalier du pavillon de Flore et en traversant les corridors du second.

Ces affreuses odeurs finissaient par atteindre les appartements du Roi et le décidèrent à faire à Saint-Cloud les séjours les plus courts qu’il pouvait. Il ne quittait Paris qu’à la dernière extrémité.

Je me suis laissé dire qu’un de ces visionnaires que le Roi interrogeait assez volontiers lui avait prédit, pendant l’émigration, qu’il rentrerait dans les Tuileries, mais qu’il n’y mourrait pas. Plus il se sentait malade, plus il se cramponnait au lieu où il ne devait pas mourir. Ce serait à Gand, pendant les Cent-Jours, que le Roi aurait raconté cette prédiction. Je ne me rappelle pas comment ce récit m’est arrivé et quel degré de foi il mérite.

Tant il y a qu’il préférait l’habitation des Tuileries à toute autre. Monsieur et monsieur le duc d’Angoulême s’en accommodaient très bien. Madame la duchesse de Berry n’en prenait qu’à son aise et ne se gênait pas pour suivre sa famille. Madame, seule, préférait Saint-Cloud et regrettait que la Cour n’y fit pas un plus long séjour.