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SACRE DU ROI À REIMS

le Dauphin contre celle de la Congrégation dans une circonstance où le succès des intrigues, ourdies par elle, aurait probablement hâté de quelques années la catastrophe de 1830.

Elle voulait faire retrancher, dans le serment du sacre, les expressions de fidélité à maintenir la Charte, sous prétexte que ce pacte admettait la liberté des cultes.

Le Roi était fort disposé à faire cette restriction ostensiblement. Le parti congréganiste du conseil l’approuvait et le clergé, avec le nonce en tête, l’en conjurait. Monsieur de Villèle ne se faisait pas d’illusion sur les conséquences d’une telle conduite ; il eut recours à monsieur le Dauphin. Celui-ci parvint à décider son père à renoncer à ce dangereux projet. Mais ce ne fut pas sans peine. Toute la nuit qui précéda la cérémonie se passa à faire et à discuter différentes rédactions du serment.

Monsieur de Villèle ne savait pas lui-même laquelle serait adoptée au dernier moment, tant la discussion avait été orageuse et la volonté du Roi vacillante. On vit sa physionomie se dérider lorsque les mots de fidélité à la Charte sortirent de la bouche royale.

Monsieur le Dauphin avait fait pencher la balance. Sa haute et constante piété lui donnait quelque crédit auprès du Roi dans les questions religieuses lorsque l’intrigue n’avait pas un temps prolongé pour le combattre, et l’entrevue du père et du fils avait précédé immédiatement la cérémonie ; les conseillers jésuites avaient dû se contenter d’exiger la restriction mentale.

Si la satisfaction de monsieur de Villèle fut visible, le mécontentement du clergé et des hauts congréganistes ne fut pas dissimulé ; et le nonce recevait et rendait des visites de condoléance avant la fin de la journée.

Suivant mes habitudes de paresse, je n’eus pas même la tentation d’aller à Reims. Si j’avais cru que c’était,