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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Cependant l’intimité avait été trop grande pour qu’il n’en restât pas des habitudes de familiarité.

Sosthène en profita pour arriver, un beau matin, dans le cabinet de monsieur de Villèle. Après quelques phrases d’affection, il lui rappela les sentiments patriotiques qu’il exprimait lorsqu’il cherchait le ministère, uniquement dans l’intérêt du pays, parce que l’opinion publique l’y appelait ; et, partant de cette base, il l’avertit que l’opinion publique se déclarait fortement contre son administration. Mieux situé qu’un autre par ses relations avec toutes les classes de la société pour s’en apercevoir, il venait lui faire part de ses découvertes. Il lui était évident qu’il n’était plus au pouvoir de monsieur de Villèle de faire le bien, et, comme il ne l’avait placé où il était que dans l’intention d’être utile au Roi et au pays, il venait le sommer, au nom de l’amitié, de l’honneur, de la reconnaissance, de ne pas le compromettre plus longtemps en s’obstinant à conserver sa place.

On peut imaginer comment cette harangue fut reçue par monsieur de Villèle, alors tout-puissant. Il eut un moment d’inquiétude que monsieur de La Rochefoucauld ne fût l’organe du roi Charles X dont il était aide de camp et parfois bien traité. Mais la nature de la communication le rassura promptement.

Il traita Sosthène de façon à ce qu’ils se séparassent brouillés, ce qui lui était infiniment agréable et commode, puis courut raconter la scène au Roi. Celui-ci, qui ne se rappelait pas volontiers les intrigues ourdies pendant les dernières années du règne de son frère et dont Sosthène avait été l’agent, fut très empressé de rompre aussi les rapports auxquels il avait été forcé de l’admettre et de lui faire subir les honneurs de la disgrâce.

J’ai rapporté cette anecdote, dont je suis sûre, parce