Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
232
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

ignoré du public, mais on lui avait déjà offert vainement le portefeuille de la justice. Monsieur le Dauphin parvint à le lui faire accepter.

Le Roi consentit alors à recevoir la démission que monsieur de Courvoisier cherchait à donner depuis quelque temps mais qu’il insista pour faire recevoir lorsque la dissolution de la Chambre fut décidée. Trois jours après l’ordonnance qui parut à cet effet, le cabinet fut en partie renouvelé. Monsieur de Courvoisier et monsieur de Chabrol, les plus modérés du conseil, furent remplacés par monsieur de Chantelauze, qui n’était pas assez connu, comme l’avait été récemment monsieur de La Bourdonnaye par monsieur de Peyronnet qui l’était trop.

Si le Roi avait soigneusement cherché dans toute la France l’homme et le nom qui pouvaient faire le plus de tort à la Couronne et le plus exaspérer contre elle, il n’aurait pas mieux trouvé qu’en choisissant monsieur de Peyronnet. Mais les choses en étaient venues à ce degré d’inimitié entre le monarque et le pays que les gens les plus hostiles à l’un devenaient les favoris de l’autre.

Quand les partis sont en présence à ce point, il ne reste plus qu’à trouver le jour de la bataille. Il n’est que trop tôt arrivé, hélas ! Il était inévitable. Selon mon jugement, le trône à cette époque avait tous les torts. Mais, pendant le ministère Martignac, les Chambres et le pays avaient eu les leurs. Tout le monde a été puni en proportion de ses fautes ; et ceux à qui le trône est échu portent la peine d’avoir peut-être trop laissé former autour d’eux d’ambitieuses espérances.

On adjoignit au ministère un monsieur Capelle, connu par son esprit d’intrigue. Il avait gouverné la princesse Élisa, autrement dit madame Bacciochi, lors-