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TROUBLES À MONTAUBAN

insulta sa vieille mère, blessa ceux qui la voulaient défendre et monsieur de Preissac ne dut son salut qu’à la fuite et à la fermeté du duc de La Force qui protégea sa retraite.

Tout le monde fut fort indigné de cette violation brutale de tous les droits constitutionnels. Charles X inventa de donner pour mot d’ordre le nom de la ville de Montauban et ne se refusa pas le sourire de satisfaction. Le duc de Raguse se redressa avec l’air si blessé que le Roi devint fort rouge, balbutia Mont… Mont… Montpellier : « Oui, Sire, j’entends, Montpellier », reprit le duc. Ils n’ajoutèrent rien, mais tous deux s’étaient compris ; tous deux étaient mécontents l’un de l’autre.

Le duc de Raguse me raconta ce court colloque le soir même. Je trouve que ces petites circonstances dévoilent souvent mieux les hommes que les longs détails de leurs actions.

À mesure que les élections étaient connues, les bruits de coup d’État médités prenaient plus en plus de la consistance. Monsieur le duc d’Orléans s’en était expliqué avec Charles X dans une longue conversation qu’ils avaient eue à Rosny, et le Roi lui assura avec une telle apparence de franchise que rien ne le déciderait à sortir des mesures constitutionnelles qu’il réussit à le tromper.

Malgré toutes les batteries qui se dressaient pour résister légalement à un ministère détesté par le pays, malgré tous les embarras qui en pouvaient surgir, monsieur le duc d’Orléans était persuadé, je le lui ai entendu dire alors et depuis, que la Couronne elle-même ne courait aucun danger tant qu’elle restait dans la lettre de la Charte. La Charte, toute la Charte, rien que la Charte, tel était le vœu du pays et son expression.