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LES ORDONNANCES DE JUILLET

des mesures prises pour soutenir la révolution qu’on méditait dans le gouvernement du pays.

Monsieur de Rothschild, banquier de l’État et se croyant très avant dans la confiance du gouvernement, alla le dimanche même demander à monsieur de Peyronnet ce qu’il fallait penser des bruits qui circulaient. Le ministre lui exprima son étonnement qu’un homme aussi sage y pût accorder la moindre importance ; la malveillance seule, selon lui, pouvait les répandre : « Du reste, ajouta-t-il, voulez-vous une preuve matérielle de leur fausseté ? Tenez, regardez. »

Il lui montra son bureau couvert des lettres closes qu’il signait pour convoquer les députés à la séance royale de l’ouverture de la session. La plupart, en effet, furent expédiées pas le courrier de ce jour.

Monsieur de Peyronnet, en quittant monsieur de Rothschild, se rendit à Saint-Cloud où l’on signait les ordonnances ; et monsieur de Rothschild alla dîner à la campagne chez madame Thuret où se trouvait invité tout le corps diplomatique.

La visite qu’il avait faite au ministre de l’intérieur et les lettres closes, vues sur son bureau, firent la nouvelle de ce dîner et rassurèrent les esprits. Quelques-uns des convives s’arrêtèrent chez moi au retour, et me racontèrent ce qu’ils y avaient appris.

Le Moniteur du lendemain contenait les ordonnances. Monsieur de Rothschild ne fut pas le seul trompé. Monsieur de Champagny, sous-secrétaire d’État de la guerre et dirigeant le ministère en l’absence de monsieur de Bourmont, était à la campagne ; il ne reçut le Moniteur que le mardi soir et ne put arriver à Paris que le mercredi. Aussi monsieur le Dauphin disait-il, en se frottant les mains : « Le secret a été si bien gardé que Champagny ne l’a su que par le Moniteur. » Le duc de Raguse,