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ASSASSINAT DU DUC DE BERRY

Monsieur le duc de Berry confia ensuite, à l’indulgence de la vertu de son frère, le soin d’un enfant qu’il avait eu tout récemment d’une danseuse de l’Opéra, Virginie. Les sanglots de monsieur le duc d’Angoulême répondirent de son zèle à accepter ce dépôt. Je ne sais ce qu’est devenu ce petit garçon, mais j’ose répondre que monsieur le duc d’Angoulême ne l’a pas abandonné.

Monsieur le duc de Berry eut des mots touchants et parfaitement appropriés pour tout le monde. Il ne se fit pas un instant illusion sur son état et ne s’occupa que des autres. Il remplit ses devoirs religieux avec résignation et confiance et rendit son âme à Dieu avec une douceur tout à fait imprévue dans un caractère si violent.

S’il était permis de reprendre quelque chose à une si belle fin, je reprocherais au prince de n’avoir pas dit un mot de monsieur de La Ferronnays. Vingt-trois ans de dévouement valaient un souvenir ; mais il était alors bien loin (à Pétersbourg). L’agonie ne dura que peu d’heures. Les objets présents ne laissèrent guère le temps de penser aux absents.

La mort de monsieur le duc de Berry causa une désolation générale. Les personnes qui s’en croyaient le moins susceptibles s’identifièrent aux chagrins de cette noble famille, et les relations de cette cruelle nuit arrachèrent des larmes mêmes aux plus opposants.

Il est inouï que ce farouche Louvel, qui poursuivait le Prince depuis longtemps, n’ait pas trouvé une autre occasion de le frapper. La vie irrégulière de monsieur le duc de Berry le menait presque journellement et sans aucune escorte dans les lieux où il semblait bien autrement facile de l’atteindre.

La même catastrophe, arrivée à la porte d’une danseuse, au moment où il sortait de cabriolet, aurait eu un tout autre effet sur le public que de le voir tomber dans les