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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/40

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

derniers retranchements, il lui dit que son objection la plus forte était l’impossibilité de gouverner pour un roi valétudinaire dont la vie semblait toujours prête à échapper, lorsqu’on avait contre soi l’héritier de la Couronne et tous ses familiers.

« Si j’acceptais, Monseigneur, dans un an vous seriez à la tête de l’opposition contre mon administration. »

Monsieur donna sa parole d’honneur de soutenir les mesures du duc de Richelieu de tous ses moyens. Le duc résistait toujours. Enfin il le supplia à genoux (et quand je dis à genoux, j’entends exprimer à deux genoux par terre), au nom de sa douleur, de venir au secours de sa famille et de protéger ce qui en restait du couteau des assassins.

Monsieur de Richelieu, ému, troublé, hésitait encore. Monsieur reprit :

« Écoutez, Richelieu ; ceci est une transaction de gentilhomme à gentilhomme. Si je trouve quelque chose à redire à ce que vous ferez, je vous promets de m’en expliquer franchement avec vous seul, mais de soutenir loyalement et hautement les actes de votre ministère. J’en prends l’engagement sur le corps sanglant de mon fils ; je vous en donne ma parole d’honneur, foi de gentilhomme. »

Monsieur de Richelieu, vaincu et profondément touché, s’inclina respectueusement sur la main qu’on lui tendait, en disant : « Je l’accepte, Monseigneur ».

Trois mois après, Monsieur était à la tête de toutes les oppositions et au fond de toutes les intrigues ; mais peut-être en ce moment était-il de bonne foi. Quoi qu’il en soit, il conduisit monsieur de Richelieu en triomphe chez le Roi qui l’accueillit avec peu d’empressement.

Autant Monsieur cherchait à faciliter la retraite de monsieur Decazes, autant le Roi désirait prolonger les