Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Il soutint les conclusions du rapporteur qui montraient Louvel comme un fanatique atrabilaire et isolé, n’ayant communiqué avec personne depuis dix-huit mois qu’il nourrissait son affreux projet, tout en faisant la part aux doctrines révolutionnaires que la presse et les jacobins ne cessaient de propager.

Les ultras de la Cour, de la ville et surtout de la province furent loin de se tenir pour satisfaits de ces résultats de l’enquête, et chacun avait une preuve incontestable à rapporter de la complicité de quelque voisin.

Les débats n’apportèrent aucune révélation ; la condamnation et l’exécution eurent lieu sans aucun obstacle. Louvel fut mené en place de Grève à trois heures de l’après-midi, escorté de l’exécration du peuple et sans exciter de trouble, quoique les esprits fussent mis en fermentation par la discussion de la nouvelle loi d’élection et qu’il y eût eu les jours précédents des rassemblements assez tumultueux pour devoir être réprimés par la force armée ; mais ces groupes, formés principalement d’officiers à demi-solde et de jeunes étudiants excités par les députés libéraux, n’auraient pas voulu se déclarer en faveur d’un assassin.

Le gouvernement déploya la force nécessaire, sans rigueurs inutiles. Quelques coups de plat de sabre et de poitrails de chevaux suffirent. La sentinelle qui avait tiré sur le jeune Lallemant, étudiant en droit, fut mise en jugement. On acheva de discuter la loi. Les ministres Pasquier et de Serre emportèrent, un à un, les arguments avec autant de talent que d’habileté et la tranquillité se rétablit pour le moment.

Toutefois, le parti révolutionnaire s’était renforcé du parti militaire, gens d’action, arrêtés subitement dans une carrière de vanité et d’ambition, froissés et irrités