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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

qu’à Paris. Ce qu’il y a de sûr, c’est que son mari pressait son retour ; elle répondait toujours par des certificats de médecin, et ne consentit à aller occuper une place sur le trône de son époux qu’après la mort du duc.

C’est le seul exemple d’un amour féminin aussi persévérant dans ses actions ostensibles sans avoir jamais reçu le plus léger encouragement et abreuvé de dégoût dont j’aie jamais eu connaissance.

Bientôt après la mort de monsieur de Richelieu, lord Castlereagh, devenu marquis de Londonderry, mit fin à son existence. Depuis quelques jours, il donnait des signes de bizarrerie. Un matin, il sortit à son heure accoutumée du lit conjugal, entra dans son cabinet, fit une partie de sa toilette, puis revint dans la chambre de sa femme chercher des pilules qu’il prenait journellement, les avala, et, en retournant dans son cabinet, se coupa, avec un très petit canif, l’artère jugulaire si artistement qu’une blessure de fort peu de lignes le fit tomber mort presqu’immédiatement. Lady Londonderry entendit sa chute et se précipita vers lui, mais tous les secours étaient déjà inutiles.

On a voulu chercher des causes politiques à ce suicide ; il n’y en avait aucune. Lord Londonderry était d’un caractère froid et calme, peu propre à s’émouvoir de pareilles considérations. Sa mort ne peut s’attribuer qu’à un accès de folie, maladie héréditaire dans sa famille. Certes, pour qui a été au courant des deux événements, la mort de monsieur de Richelieu a été bien plus déterminée par des affections morales, où la politique entrait pour beaucoup, que celle de lord Londonderry.

Monsieur de Chateaubriand avait été enchanté d’être nommé ambassadeur en Angleterre où il remplaça le duc Decazes. Son imagination mobile jouissait du con-