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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

lait confier une pièce si importante qu’à mon père et, en son absence, à moi. Ses pas étaient suivis et, s’il s’approchait des Tuileries ou d’un ministère, il aurait tout à craindre.

Malgré le peu de succès de ses révélations (qui, pourtant, je crois, lui avaient été bien payées) il voulait encore rendre ce service au Roi, d’autant qu’il connaissait l’attachement que le prince régent lui portait. Je le pressai en vain de s’adresser au duc de Duras ; comme la première fois, il s’y refusa formellement. « La lettre, me dit-il, était cachetée de façon à réclamer l’adresse des plus habiles pour l’ouvrir. J’en ferais ce que je voudrais, rien s’il me plaisait mieux ; il viendrait la reprendre le lendemain matin. » Il sortit, la laissant sur ma table.

Je me trouvai fort embarrassée avec cette pièce toute brûlante entre les mains. Je la vois encore d’ici. Elle était assez grosse, sans enveloppe quoiqu’elle contint évidemment plus d’une feuille. Cachetée d’un pain blanc sortant à moitié en dehors du papier sur lequel étaient tracés à la plume trois J de cette façon :

Je savais l’importance attachée par mon père aux documents procurés naguère par Marshall. Il n’y avait pas de conseil à demander dans une occasion qui, avant tout, prescrivait le secret. Après mûre réflexion, je pris mon parti. J’allai aux Tuileries ; je fis prier le duc de Duras de venir me parler ; il descendit et monta dans ma voiture. Je lui racontai ce qui était arrivé et lui donnai la lettre pour le Roi.