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RÉVÉLATION DU DOCTEUR MARSHALL

Le Roi était à la promenade et ne rentrerait pas de plusieurs heures. Il trouva plus simple que nous allassions la porter au duc de Richelieu. J’y consentis. Le duc de Richelieu nous reçut plus que froidement et me dit qu’il n’avait personne dans ses bureaux qui eût l’habitude ni le talent d’ouvrir les lettres. Je me sentis courroucée. Je lui répondis qu’apparemment ce talent-là ne se trouvait pas plus facilement dans ma chambre, que ma responsabilité était à couvert, que je n’avais pas cru pouvoir me dispenser de remettre ce document en mains compétentes. Ce but était rempli et, lorsque l’homme qui n’avait pas voulu être nommé viendrait le lendemain, je lui dirais qu’elle était restée chez un ministre du Roi. Monsieur de Richelieu voulut me la rendre ; je me refusai à la reprendre et nous nous séparâmes également mécontents l’un de l’autre.

Deux heures après, monsieur d’Herbouville (directeur des postes à cette époque) me rapporta cette lettre avec des hymnes de reconnaissance ; elle avait été ouverte et son importance reconnue. Monsieur Decazes, ministre de la police, vint deux fois dans la soirée sans me trouver.

Le lendemain matin, ma femme de chambre, en entrant chez moi, me dit que monsieur d’Herbouville attendait mon réveil ; c’était pour me dire combien les renseignements de la veille avaient fait naître le désir de se mettre en rapport direct avec l’homme qui les avait procurés. Monsieur Decazes me priait d’y employer tous les moyens.

Marshall arriva à l’heure annoncée ; je m’acquittai du message dont j’étais chargée. Il fit de nombreuses difficultés et finit cependant par indiquer un lieu où on pourrait le rencontrer par hasard. Je crois que, par toutes ces précautions, il voulait augmenter le prix