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PROCÈS DU MARÉCHAL NEY

cité, ils lui inspiraient, en revanche, un grand dédain pour toutes les décorations étrangères.

À son arrivée, monsieur de Richelieu le combla de marques de confiance. Les préparatifs qu’il lui fallut faire pour se rendre à Londres le retinrent assez longtemps pour avoir le malheur d’être appelé à siéger au procès du maréchal Ney.

Je ne prétends pas entrer dans le détail de cette déplorable affaire. Elle nous tint dans un grand état d’anxiété. Pendant les derniers jours du jugement, les pairs et tout ce qui leur appartenait reçurent des lettres menaçantes. Il est à peu près reconnu que la pairie devait condamner le maréchal. On a fort reproché au Roi de ne lui avoir pas fait grâce. Je doute qu’il le pût ; je doute aussi qu’il le voulût.

Quand on juge les événements de cette nature à la distance des années, on ne tient plus assez compte des impressions du moment. Tout le monde avait eu peur, et rien n’est aussi cruel que la peur. Il régnait une épidémie de vengeance. Je ne veux d’autre preuve de cette contagion que les paroles du duc de Richelieu en envoyant ce procès à la Cour des pairs. Puisque ce beau et noble caractère n’avait pu s’en défendre, elle devait être bien générale, et je ne sais s’il était possible de lui refuser la proie qu’elle réclamait, sans la pousser à de plus grands excès.

Nous avons vu plus tard un autre Roi s’interposer personnellement entre les fureurs du peuple et les têtes qu’elles exigeaient. Mais d’abord, ce Roi-là, selon moi, est un homme fort supérieur, et puis les honnêtes gens de son parti appréciaient et encourageaient cette modération. Il risquait une émeute populaire ; sa vie pouvait y succomber, mais non pas son pouvoir.

En 1815, au contraire, c’était, il faut bien le dire, les