Aller au contenu

Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
EXALTATION DU PARTI ROYALISTE

Au reste, ce pauvre maréchal, dont on a fait un si triste holocauste aux passions du moment et que d’autres passions ont pris soin depuis d’entourer d’auréole, s’il avait vécu, n’aurait été pour les impérialistes que le traître de Fontainebleau, le transfuge de Waterloo, le dénonciateur de Napoléon. Aux yeux des royalistes, la culpabilité de sa conduite était encore plus démontrée.

Mais ses torts civils se sont effacés dans son sang et il n’est resté dans la mémoire de tous que cette intrépidité militaire si souvent et si récemment employée, avec une vigueur surhumaine, au service de la patrie. La sagesse populaire a dit : « Il n’y a que les morts qui ne reviennent pas. » J’établirais plus volontiers qu’en temps de révolution les morts seuls reviennent.

Je me souviens qu’un jour, pendant le procès, je dînais chez monsieur de Vaublanc. Mon père arriva au premier service, sortant du Luxembourg et annonçant un délai accordé à la demande des avocats du maréchal. Monsieur de Vaublanc se leva tout en pied, jeta sa serviette contre la muraille en s’écriant :

« Si messieurs les Pairs croient que je consentirai à être ministre avec des corps qui montrent une telle faiblesse, ils se trompent bien. Encore une pareille lâcheté et tous les honnêtes gens n’auront plus qu’à se voiler le visage. »

Il y avait trente personnes à table dont plusieurs députés, tous faisaient chorus. Il ne s’agissait pourtant que d’un délai légal, impossible à refuser à moins de s’ériger en chambre ardente. On comprend quelle devait être l’exaltation des gens de parti lorsque ceux qui dirigeaient le gouvernement étaient si cruellement intempestifs.

Mon père et moi échangeâmes notre indignation dès que nous fûmes remontés en voiture ; si nous l’avions exprimée dans la maison, on nous aurait lapidés. Nous