donnée qui l’éloignait de l’intimité de ses collègues et lui causait du malaise vis-à-vis d’eux.
Je me retrouvai à peu près étrangère dans le monde anglais ; la société s’était presque entièrement renouvelée. La mort y avait fait sa cruelle récolte ; beaucoup de mes anciennes amies avaient succombé. Un assez grand nombre voyageaient sur le continent que la paix avait enfin rouvert à l’humeur vagabonde des insulaires britanniques ; d’autres étaient établies à la campagne. Les plus jeunes se livraient aux soins de l’éducation de leurs enfants ; celles plus âgées subissaient la terrible corvée de mener leurs filles à la quête d’un mari.
Je ne connais pas un métier plus pénible. Il faut beaucoup d’esprit pour pouvoir y conserver un peu de dignité ; aussi est-il assez généralement admis que les mères peuvent en manquer impunément dans cette phase de leur carrière.
La vie des anglaises est mal arrangée pour l’âge mûr ; cette indépendance de la famille dont le poète a si bien peint le résultat :
That independence Briton’s prize so high,
Keeps man from man, and breaks the social tye,
pèse principalement sur les femmes.
L’enfance, très soignée, est ordinairement heureuse ; elle est censée durer jusqu’à dix-sept ou dix-huit ans. À cet âge, on quitte la nursery ; on est présenté à la Cour ; le nom de la fille est gravé sur la carte de visite de la mère ; elle est menée en tout lieu et passe immédiatement de la retraite complète à la plus grande dissipation. C’est le moment de la chasse au mari.
Les filles y jouent aussi leur rôle, font des avances très marquées et ordinairement ont grand soin de tomber amoureuses, selon l’expression reçue, des hommes dont