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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

l’absence de la princesse Charlotte qui aurait eu le premier rang, il était occupé par la duchesse d’York.

Le prince régent se tenait debout vis-à-vis de la Reine, entouré de ses frères et de sa maison. Il s’avançait pour parler aux femmes, après qu’elles avaient passé devant la Reine.

Les ambassadrices avaient ou prenaient (car on accusait la comtesse de Lieven d’une usurpation) le droit de se mettre à la suite des princesses, après avoir fait leur cour et d’assister au reste de la réception. Je fus charmée de profiter de cet usage pour voir bien à mon aise défiler toute cette riche et brillante procession. Comme à cette époque de la vie de la Reine la Cour n’avait lieu qu’une ou deux fois par an, la foule était considérable et les présentations très nombreuses.

Nulle part la beauté des anglaises n’était plus à son avantage. Le plein jour de deux immenses fenêtres, devant lesquelles elles stationnaient, faisait valoir leur teint animé par la chaleur et un peu d’émotion. Les jeunes filles de dix-huit ans joignaient à l’éclat de leur âge la timidité d’un premier début qui n’est pas encore de la gaucherie, et les mères, en grand nombre, conservaient une fraîcheur que le climat d’Angleterre entretient plus longuement qu’aucun autre.

À la vérité, quand elles s’avisent d’être laides, elles s’en acquittent dans une perfection inimitable. Il y avait des caricatures étranges ; mais, en masse, je n’ai jamais vu une plus belle assemblée.

Ce costume insolite, en laissant aux femmes tous leurs avantages, les dispensait de la grâce dont, pour la plupart, elles sont dépourvues, de sorte que, loin d’y perdre, elles y gagnaient de tout point. L’usage des paniers a cessé depuis la mort de la vieille reine Charlotte. On a adopté le costume de la Cour de France pendant la Restauration.