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MONSIEUR DE CHATEAUBRIAND

prolongés et aggravés au point de le rendre très hostile. Ses embarras pécuniaires s’accroissaient chaque jour et sa méchante humeur suivait la même progression. Il conçut l’idée d’aller en Angleterre établir un journal d’opposition, la presse ne lui paraissant pas suffisamment libre à Paris pour attaquer le gouvernement du Roi.

Mon père redoutait fort cet incommode visiteur. Heureusement, les répugnances de madame de Chateaubriand, d’une part, et les sollicitations des Madames, de l’autre, le firent renoncer à ce projet.

Le désir de faire effet, autant que le besoin d’argent, l’engagèrent à vendre son habitation du Val-du-Loup. Son mécontentement fut porté à l’excès lorsqu’il reconnut que personne ne s’occupait d’un si grand événement ; il avait pourtant cherché à lui donner le plus de publicité possible. La maison avait été mise en loterie à mille francs le billet. Madame de Duras, aussi bien que lui, se persuadait que les souscripteurs arriveraient de toutes les parties du monde connu et que l’ingratitude de la maison de Bourbon pour son protecteur serait tellement établie devant le public que les indemnités en argent, en places et en honneurs, allaient pleuvoir sur la tête de monsieur de Chateaubriand.

Au lieu de cela, la loterie annoncée, prônée, colportée, ne procura pas de souscripteurs, personne ne voulut de billet ; je crois qu’il n’y en eut que trois de placés. Mathieu de Montmorency acheta le Val-du-Loup en remboursement d’un prêt fait précédemment à monsieur de Chateaubriand. La Cour, le gouvernement, le public, l’étranger, personne ne s’en émut, et monsieur de Chateaubriand se trouva dépouillé de sa petite maison sans avoir produit l’effet qu’il en espérait.

L’irritation était restée fort grande dans son cœur. Il