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LA DUCHESSE DE NARBONNE

des salons ; mais il commençait à avoir une grande influence à la Chambre des députés et à grouper autour de lui le bataillon de l’opposition ultra. Toutefois, la Cour n’était pas d’humeur à attendre les résultats des manœuvres constitutionnelles et elle en prépara une pour son compte.

Depuis le mariage de madame la duchesse d’Angoulême, madame de Sérent et ses deux filles, les duchesses de Damas et de Narbonne, étaient restées constamment auprès d’elle. Madame de Narbonne avait tout l’esprit que sa sœur croyait posséder. Le roi Louis xviii n’avait pas manqué de saisir la différence qui existait entre le prétentieux bel esprit de madame de Damas et la distinction de bon aloi de madame de Narbonne. Il avait pris à Hartwell l’habitude de causer assez confidentiellement avec cette dernière. Il aimait la société des femmes spirituelles ; madame de Balbi lui en avait donné le goût.

Les deux sœurs étaient, quoique à des degrés différents, liées avec monsieur de Blacas. Son absence affligeait l’une et déplaisait à l’autre qui se voyait privée du crédit qu’elle exerçait pendant son ministère. Tant que monsieur de Blacas avait été tout-puissant près du Roi, Monsieur et Madame l’avaient en horreur. Son expulsion les avait charmés. Mais mal passé n’est que songe ; on détestait encore plus les ministres présents.

Le favoritisme du bourgeois et impérialiste Decazes fit regretter le noble et émigré Blacas. Avec celui-là du moins, on s’entendait sur bien des points et la langue était commune. Madame de Narbonne n’eut donc pas grand’peine à faire reconnaître aux princes qu’ils avaient beaucoup perdu au change. Restait à ramener le Roi à ses anciennes préférences ; elle entreprit de l’accomplir.

Louis xviii, homme du temps de sa jeunesse, était, en