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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/229

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

On sut qu’il s’agissait de s’installer dans l’appartement du premier maître de la garde-robe aux Tuileries. Cet appartement, arrangé pour monsieur de Blacas dans le plus fort de sa faveur, communiquait avec celui du Roi par l’intérieur.

On se rappela que le major général de la garde y avait été logé provisoirement pendant qu’on travaillait à son appartement, mais que les réparations avaient été poussées avec un redoublement d’activité depuis quelque temps ; et que, deux jours avant, il avait pu s’installer [chez lui] et laisser libre l’appartement de monsieur de Blacas. J’avoue que cette circonstance, de la facilité des communications, me parut grave. La franchise du monarque n’était pas assez bien établie pour que la froideur de la réception semblât tout à fait rassurante.

Monsieur de Blacas affecta de passer la matinée tout entière au Salon du Louvre où il y avait alors exposition de tableaux ; il ne parla pas d’autre chose pendant le dîner chez le duc d’Escars. Il jeta en avant quelques phrases qui indiquaient le projet d’un prompt départ pour Rome.

Très anxieuse de savoir ce qui se passait, j’allai le soir chez monsieur Decazes. Le même sentiment y avait amené quelques personnes, la malice quelques autres, la curiosité encore davantage, si bien qu’il y avait foule. Tous les esprits y paraissaient fort agités, hormis celui du maître de la maison. Lui semblait dans son assiette naturelle.

Je n’en pourrais dire autant de monsieur Molé, alors ministre de la marine ; il était dans un trouble impossible à dissimuler. Je le vois encore assis sur un petit sopha, dans le recoin d’une cheminée, et avançant un écran sous prétexte de se défendre de la lumière, mais évidemment pour éviter les regards à sa figure renversée.

Ordinairement monsieur Decazes n’allait pas faire sa