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AGITATION DES COURTISANS

visite quotidienne au Roi les jours de ses réceptions ; cette fois il s’échappa de son salon. Peu après, quelqu’un (monsieur de Boisgelin, je crois), arrivant de l’ordre, me raconta que monsieur de Blacas, reprenant ses anciennes habitudes, avait suivi le Roi dans son intérieur lorsqu’il y était rentré.

L’absence du ministre de la police ne fut pas longue ; son attitude était parfaitement calme au retour ; et je fis la remarque qu’avec moins d’esprit de conversation et bien moins d’élégance de formes que monsieur Molé il avait, dans cette occasion, beaucoup plus le maintien d’un homme d’État. Le monde s’étant écoulé, je m’approchai de lui et je lui dis :

« Que dois-je mander demain à mon père ? le courrier part.

— Que je suis son plus dévoué serviteur, aussi bien que le vôtre.

— Vous savez bien que ce n’est pas vaine curiosité qui me fait faire cette demande. Les gazettes ultras vont entonner la trompette ; répondez-moi sérieusement ce qu’il convient de dire à l’ambassadeur.

— Hé bien, sérieusement, mandez-lui que monsieur de Blacas est arrivé aujourd’hui vendredi de Rome à Paris et qu’il repartira jeudi de Paris pour Rome.

— Jeudi ! et pourquoi pas demain ?

— Parce que ce serait faire un événement de ce voyage et qu’il vaut infiniment mieux qu’il reste un ridicule.

— Je comprends la force de cet argument, mais ne craignez-vous pas de voir prolonger la facilité de ces communications entre les deux appartements ?

— Je ne crains rien ; faites comme moi. »

Et il accompagna ces derniers mots d’un sourire pas mal arrogant. J’avoue que j’étais loin de partager sa