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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

bien que les modernes, le droit, la diplomatie, l’histoire et surtout la littérature.

L’élève était d’autant plus perspicace qu’il savait mieux que le maître ce qu’on lui enseignait ; mais son étonnement de tout ce qu’on lui découvrait dans les sciences et les lettres ne tarissait jamais et ne cédait qu’à la reconnaissance qu’il éprouvait. De son côté, le Roi s’attachait chaque jour davantage à ce brillant écolier qui, à la fin de la classe, lui faisait signer et approuver tout le contenu de son portefeuille ministériel ; après avoir bien persuadé à S. M. T. C. que d’elle seule en émanaient toutes les volontés.

L’espèce de sentiment que le Roi portait à monsieur Decazes s’exprimait par les appellations qu’il lui donnait. Il le nommait habituellement mon enfant, et les dernières années de sa faveur mon fils. Monsieur Decazes aurait peut-être supporté cette élévation, sans en avoir la tête trop tournée, s’il n’avait été excité par les impertinences des courtisans. Le besoin de rendre insolence pour insolence lui avait fait prendre des formes hautaines et désobligeantes qui, jointes à sa légèreté et à sa distraction, lui ont fait plus d’ennemis qu’il n’en méritait.

On signala vers ce temps une conspiration à Lyon qui donna de vives inquiétudes. L’agitation était notoire dans la ville et les environs, et les désordres imminents. On y envoya le maréchal Marmont muni de grands pouvoirs. Les royalistes l’ont accusé d’avoir montré trop de condescendance pour les bonapartistes. Je n’en sais pas les détails. En tout cas, il souffla sur ce fantôme de conspiration ; car, trois jours après son arrivée, tout était rentré dans la tranquillité et il n’en fut plus question.

Les troubles mieux constatés de Grenoble avaient rapporté l’année précédente de si grands avantages au général Donnadieu que les autorités de Lyon furent soupçonnées