Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

cette réponse, faite avec un sérieux imperturbable. Il éclata de rire. Au reste, mon ami Tom n’épousa pas une héritière ; il entra dans la marine et mourut bien jeune de la fièvre jaune dans les Antilles. C’était un fort beau, bon et aimable garçon. Mais je raconte là une aventure de l’autre siècle ; je reviens au dix-neuvième.

Le 18 juin 1817, deuxième anniversaire de la bataille de Waterloo, on fit avec grande pompe l’inauguration du pont, dit de Waterloo. Le prince régent, ayant le duc de Wellington près de lui, suivi de tous les officiers ayant pris part à la bataille et des régiments des gardes, y passa le premier. On avait fait élever des tribunes pour les principaux personnages du pays.

Sachant qu’on préparait une tribune diplomatique, mon père avait fait prévenir qu’il désirait n’être pas invité à cette cérémonie à laquelle il avait décidé de ne point assister. Ses collègues du corps diplomatique déclarèrent qu’ils ne voulaient pas se séparer de lui dans cette circonstance et que cette cérémonie, étant purement nationale, ne devait point entraîner d’invitation aux étrangers. Le cabinet anglais se prêta de bonne grâce à cette interprétation. Mon père fut très sensible à cette déférence de ses collègues, d’autant qu’il n’aurait pas manqué de gens aux Tuileries même pour lui faire un tort de la manifestation de ses sentiments français. Il était pourtant bien décidé à ne point sacrifier ses répugnances patriotiques à leur malignes interprétations.

Ce fut le prince Paul Esterhazy qui, spontanément, ouvrit l’avis de refuser la tribune préparée. Il ne rencontra aucune difficulté et vint annoncer à mon père la décision du corps diplomatique et le consentement du cabinet anglais.

C’est en 1817 que je dois placer mes rapports avec la princesse Charlotte de Galles. Sous prétexte que sa