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LE GRAND DUC NICOLAS

L’étiquette plaça ma mère constamment auprès du grand-duc Nicolas pendant tout son voyage. Avec ses habitudes de Cour et sa vocation pour les princes, elle ne tarda pas à lui plaire. Ils étaient très joliment ensemble ; il l’appelait sa gouvernante et la consultait plus volontiers que la comtesse de Lieven dont il avait peur. Ma mère en était, de son côté, toute affolée et nous le vantait beaucoup. Pour moi, qui ne partage pas son goût pour les princes en général, il me faut plus de temps pour m’apprivoiser aux personnes de cette espèce que ne dura le séjour du grand-duc.

Je le trouvai très beau ; mais sa physionomie me semblait dure, et surtout il me déplut par la façon dont il parlait de son frère, l’empereur Alexandre. Son enthousiasme, porté jusqu’à la dévotion, s’exprimait en véritables tirades de mélodrame et d’un ton si exagéré que la fausseté en sautait aux yeux.

Je n’ai guère vu de jeune homme plus complètement privé de naturel que le grand-duc Nicolas ; mais aurait-il été raisonnable d’en exiger d’un prince et du frère d’un souverain absolu ? Je ne le crois pas. Aussi ne prétends-je pas lui en faire reproche, seulement je m’explique pourquoi, malgré sa belle figure, ses belles façons, sa politesse et les éloges de ma mère, il n’est pas resté gravé d’un burin fort admirateur dans mon souvenir.