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DÉMISSION DU DUC DE RICHELIEU

Monsieur Decazes goûtait cette pensée mais à condition, bien entendu, qu’il resterait ministre et ministre influent. Il en parla à monsieur de Richelieu qui adopta l’idée. Monsieur Lainé, ministre de l’intérieur, professait sans cesse de son désintéressement, de son abnégation de toute ambition et de son ennui des affaires.

Monsieur de Richelieu, qui avait, à cette époque, parfaite confiance en lui et en ses paroles, alla avec la candeur de son caractère lui demander de céder son portefeuille à Decazes qui en avait envie. Monsieur Lainé se mit en fureur contre une telle proposition, et le duc de Richelieu, avec la gaucherie habituelle de sa loyale franchise, s’en alla rapporter à monsieur Decazes qu’il ne fallait plus penser à son projet parce que monsieur Lainé ne voulait pas y consentir. Il reconnaissait bien du reste la convenance de renoncer à avoir un ministère spécial de la police ; il avouait tous les inconvénients que monsieur Decazes signalait à le maintenir, mais il faudrait aviser à un autre moyen de le supprimer.

Après avoir donné ces étranges satisfactions à messieurs Decazes et Lainé, il partit pour Aix-la-Chapelle en complète sécurité des bonnes dispositions de ses collègues envers lui. Il put en voir la vanité au retour.

Je ne sais pas au juste les intrigues qu’on fit jouer ni les dégoûts dont on l’entoura, mais, à la fin de l’année, il dut donner sa démission ainsi que messieurs Pasquier, Molé, Lainé et Corvetto. Le général Dessolle devint le chef ostensible du nouveau cabinet dont monsieur Decazes était le directeur véritable.

Je n’ai jamais pu comprendre que monsieur Decazes n’ait pas senti que le beau manteau de cristal pur, dont la présidence de monsieur de Richelieu couvrait son favoritisme, était nécessaire à la durée de son crédit. Il