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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/309

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

ne pouvait soutenir le poids des haines dirigées contre lui que sous cette noble et transparente égide.

Monsieur de Richelieu ne lui enviait en aucune façon sa faveur et lui en laissait toute la puissance, toute l’importance, tous les profits et aussi tous les ennuis ; car ce n’était pas tout à fait un bénéfice sans charge de devoir amuser un vieux monarque valétudinaire tourmenté dans son intérieur.

Monsieur Decazes avait épousé depuis quelques mois mademoiselle de Sainte-Aulaire, fille de qualité riche et ayant par sa mère, mademoiselle de Soyecourt, des alliances presque royales. Ces relations flattaient monsieur Decazes et plaisaient au Roi. Aussi ce mariage lui avait été assez agréable pour qu’il s’en mêlât personnellement, et cette circonstance avait été une occasion de rapprochement avec une nuance d’opposition hostile à laquelle appartenait monsieur de Sainte-Aulaire. Je professe pour celui-ci une amitié qui dure tantôt depuis trente ans. Toutefois je dois avouer que, dans les premiers moments de la Restauration, il s’était conduit, au moins, avec maladresse.

Il avait successivement renié Napoléon dont il était chambellan en 1814, et Louis xviii en 1815, dans les deux villes de Bar-le-Duc et de Toulouse dont il se trouvait préfet à ces deux époques, d’une manière ostensible et injurieuse qui ne convenait pas mieux à sa position qu’à son caractère et à son esprit, un des plus doux et des plus agréables que je connaisse. Mais il y a des circonstances si écrasantes qu’elles trouvent bien peu d’hommes à leur niveau, surtout parmi les gens d’esprit. Les bêtes s’en tirent mieux parce qu’elles ne les comprennent pas.

Sa conduite pendant les Cent-Jours avait jeté monsieur de Sainte-Aulaire dans les rangs de la gauche. Le mariage de monsieur Decazes avec mademoiselle de