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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

sur les côtes, surtout si elle était appuyée de troupes sardes, espagnoles ou portugaises… Je ne me rappelle plus les termes exacts, mais c’était là le sens.

Le duc de Laval, le duc de Noailles, et même monsieur de Chateaubriand adoptaient complètement ce document et en préconisaient les doctrines. Tous les gens sages du parti les professaient, et les projets insensés de quelques extravagants, impossibles, au reste, à réaliser, ne méritaient que du mépris. Fomenter les mécontentements et attendre les chances d’une guerre étrangère en y excitant, voilà ce que la sagesse commandait.

Tout le monde était d’accord, lorsque survint monsieur Genoude.

« Nous parlions de la lettre publiée par le Moniteur, lui dit le duc de Laval.

— Et vous en êtes profondément indigné, répliqua monsieur Genoude. Il ne manquait plus à ce gouvernement impie que de se faire faussaire.

— Vous croyez cette lettre controuvée ?

— En pouvez-vous douter ? Quoi ! désigner les royalistes à la haine du pays en les dénonçant comme fauteurs de la misère, de la souffrance du peuple, les montrer appelant les secours de l’étranger, tandis qu’au contraire, et cela est notoire, ils arrêtent à grand’peine les haines suscitées par les violences du gouvernement contre les habitants de l’Ouest, c’est une pensée infernale, une œuvre du démon bien digne des gens qui l’ont inventée. »

À cette sortie, personne ne souffla. Pas un de ceux qui venaient de vanter la sagesse des principes ne voulut les soutenir.

Monsieur de Chateaubriand attisa le feu de la cheminée ; madame Récamier évita de lever les yeux ; monsieur Ampère, monsieur Ballanche, deux autres personnes