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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/135

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

inspirées à madame de Chateaubriand par le choléra, il l’accompagna à Genève.

On le disait nommé gouverneur de monsieur le duc de Bordeaux et se rendant à Édimbourg. Je lui demandai si ce bruit avait quelque vérité : « Moi ! s’écria-t-il avec un accent de dédain inimitable, moi ! et qu’irais-je faire, bon Dieu, entre cette mangeuse de reliques d’Édimbourg et cette danseuse de corde d’Italie ? »

Je me sentis assez froissée de cette façon de parler pour en prendre congé de monsieur de Chateaubriand plus froidement. Je dirai dans quelles circonstances je l’ai revu et pourquoi je rappelle ce propos.

Le gouvernement redoutait fort l’embarras que lui causerait la présence de madame la duchesse de Berry en France, par la difficulté surtout de la traiter d’une manière exceptionnelle, avec les idées d’égalité révolutionnaire qui dominaient encore à cette époque.

Aussi surveillait-on les côtes de Provence avec grand soin. Le nom de la princesse avait été prononcé pendant l’échauffourée de Marseille ; mais on ne croyait pas à sa présence, lorsque le télégraphe l’annonça captive à bord du Carlo Alberto, arrêté dans la rade de la Ciotat.

La joie fut grande de ce que, n’ayant pas touché le territoire français, elle ne se trouvait soumise à aucune loi, et la résolution prise sur-le-champ de la renvoyer directement à Édimbourg à bord d’une frégate. L’ordre fut immédiatement transmis de conduire le Carlo Alberto dans les eaux de la Corse, tandis qu’on préparait la frégate. La Reine eut grande part à cette décision, et je l’en vis bien satisfaite.

Aussitôt l’arrivée de l’estafette, l’amiral de Rigny, alors ministre de la marine, apporta chez moi la dépêche qui rendait compte de la capture, accompagnée de quelques pièces à l’appui, et nous en fit lecture.