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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

pas encore fait son éducation gouvernementale, vinrent chanter leur triomphe autour de moi. Ils trouvèrent peu de sympathie et qualifièrent ma tristesse et mes inquiétudes de vieux préjugés dont, au reste, je ne cherche pas à me défendre.

Dans cette circonstance, comme en beaucoup d’autres, je me trouvai ne complaire à aucun. Les légitimistes me blâmaient de la joie qu’ils me supposaient et les libéraux de la tristesse qu’ils me voyaient.

Le Moniteur du lendemain confirma la nouvelle. J’allai chez la Reine, pensant bien qu’elle trouverait quelque douceur à s’épancher avec la certitude de n’être point compromise. Elle remerciait Dieu que nul accident ne fût arrivé dans l’arrestation :

« Avec la tête de Caroline, vous savez, ma chère, il y avait tant à craindre ! »… Et puis elle répétait mille fois : « Elle l’a voulu, elle l’a voulu ; ce n’est pas la faute du Roi : elle l’a voulu. »

Je lui demandai si le bâtiment où on l’allait embarquer ne pourrait pas la conduire à Trieste plutôt qu’à Blaye, en exigeant sa promesse de rejoindre le roi Charles X en Bohême.

« Ah, ma bonne amie, vous pouvez penser si nous le désirons !… Mais ils ne veulent pas… ils disent que c’est impossible… On m’a fait promettre de ne me point ingérer dans cette affaire… tout le monde est contre moi !… le Roi a dû, à la fin, consentir à l’arrestation et à la détention… Vous savez s’il s’y est longtemps refusé… Ah, si elle avait voulu profiter de ces six mois de patience où il était le maître pour s’en aller !… Je comprends bien l’impossibilité de la laisser en France, avec l’apparence d’y rester malgré le gouvernement… mais quelle rude extrémité !… »

Et la pauvre Reine se reprenait à pleurer. Elle me