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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/183

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

émeute suisse, en s’établissant à Lugano pour y faire de la politique légitimiste.

Privé d’ailleurs du tribut de louanges quotidiennes, libéralement fournies par le petit cercle où il passe exclusivement sa vie à Paris, monsieur de Chateaubriand périssait d’ennui et ne savait comment revenir après les adieux si pompeux adressés publiquement à sa patrie. Il avait beau se draper à l’effet dans le manteau d’un exil volontaire, on le remarquait peu ; les genevois trouvent qu’on doit se tenir très heureux d’être à Genève et ne compatissaient point à des peines qu’ils ne comprenaient pas.

Dans l’embarras de ce dilemme, monsieur de Chateaubriand accueillit comme l’étoile du salut l’arrestation faite à Nantes.

De nouveaux devoirs, en lui imposant une nouvelle conduite, lui évitaient le petit ridicule d’une palinodie trop rapide. Oubliant ses griefs contre la princesse, il se jeta dans une voiture de poste et accourut à Paris pour lui porter secours.

Chemin faisant, il médita le texte d’une brochure qui parut incontinent après.

Un billet de madame Récamier m’annonça son retour et le désir qu’il avait de me voir chez elle. J’y courus. Je les trouvai en tête à tête ; il lui lisait le manuscrit de la prochaine publication, originairement destinée à être imprimée à Lugano, mais qu’il avait arrangée pour la situation actuelle. Il continua à ma prière la lecture commencée.

Après une hymne très éloquente aux vertus maternelles de l’intrépide Marie-Caroline, lue avec émotion, il arriva à quelques phrases, admirablement bien écrites, sur madame la Dauphine ; sa voix s’entrecoupa et son visage s’inonda de larmes.