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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/197

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

lui servir d’otages. Otages de quoi ? Ils ne l’expliquaient pas.

Cela me rappela qu’avant de partir pour aller passer l’hiver à Naples, où la colonie des mécontents français menait bonne et joyeuse vie, dansant au bal et jouant la comédie, le duc de Laval m’avait dit : « Ne vous y trompez pas, chère amie, nous entrons dans les temps héroïques. »

Tout le monde jouait au roman historique avec d’autant plus de zèle que c’était sans danger. Sir Walter Scott avait remis les propos chevaleresques à la mode, aussi bien que les meubles du moyen âge ; mais les uns et les autres n’étaient que de misérables imitations.

Les lettres de madame d’Hautefort devenaient plus gênées, moins explicites ; un profond mécontentement y perçait parfois ; et pourtant le parti carliste, fort des paroles du docteur Guitrac, demeurait en sécurité.

Le gouvernement, en revanche, éclairé par les autres médecins et les rapports du général Bugeaud, ne formait guère de doutes sur l’état de la princesse.

La brochure de monsieur de Chateaubriand, dont j’avais entendu lire quelques passages manuscrits (Mémoire sur la captivité de madame la duchesse de Berry), avait produit une assez grande sensation, occasionné des manifestations bruyantes et forcé l’autorité à la saisir.

La phrase qui la terminait : « Madame, votre fils est mon roi », était devenue comme une sorte de mot d’ordre pour le parti. Un certain nombre de jeunes gens venaient la crier dans la cour de monsieur de Chateaubriand et la répétaient en toast dans les banquets où l’héroïne de Nantes était célébrée.

Les journaux carlistes rendaient un compte exagéré de ces événements, et il avait fallu sévir, malgré soi, contre