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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

laisser faire ses couches à Blaye, il paraît que la princesse se plaignit amèrement à ses confidents du mauvais conseil qu’on lui avait donné ; mais elle ne dissimula plus sa grossesse et bientôt fit demander à Deneux, son accoucheur attitré, de se rendre auprès d’elle.

Elle continua à entretenir le général Bugeaud, avec lequel elle s’était mise sur le ton de la familiarité la plus grande, des mérites de son mari, de l’amour qu’elle lui portait ; et, quoiqu’il sût que, dans son plus intime intérieur, elle se riait de la crédulité qu’elle lui supposait, les bontés des grands ont une telle fascination qu’il en était séduit.

Tandis que le premier acte de cette comédie se jouait à Blaye, le second se préparait à la Haye.

Le goût de l’intrigue et celui de l’argent, si chers à tous deux, y avaient réuni en fort tendre liaison monsieur Ouvrard et madame du Cayla. Ils étaient auprès du roi Guillaume les agents de madame la duchesse de Berry.

Ouvrard s’occupait de l’emprunt dont Deutz avait révélé le projet, et madame du Cayla cherchait à prendre sur le vieux roi de Hollande la même influence exercée naguère sur le roi Louis XVIII.

J’ignore si elle reçut ou si elle se donna la commission de trouver un mari pour Marie-Caroline ; mais il est certain qu’elle en a eu tout le mérite.

Monsieur de Ruffo, fils du prince de Castelcicala, ambassadeur de Naples à Paris, se trouvait de passage à la Haye dans ce moment. Toute sa famille, et lui-même, étaient fort attachés à madame la duchesse de Berry. Le jeune Ruffo lui avait fait sa cour à Massa.

La comtesse du Cayla, considérant les termes de la déclaration faite à Blaye, s’avisa que ce serait là un mari possible, et, dans un long tête-à-tête, elle employa toutes