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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/204

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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

ses plus habiles insinuations à préparer monsieur de Ruffo, à accepter cet emploi.

Elle réussit du moins à se faire comprendre ; car, à peine rentré à son auberge, il fit ses paquets, demanda des chevaux et, le lendemain matin, la négociatrice désappointée apprit qu’il s’enfuyait à grande course de la Haye.

Cependant le temps pressait. Loin de prendre la déclaration de Blaye comme une ruse de guerre, le roi Charles x exigeait que le frère de ses petits-enfants eût un père avoué et nommé. Sa colère n’épargnait pas les épithètes offensantes à la mère.

Madame la Dauphine était tombée dans le désespoir à la nouvelle de cette honte de famille si solennellement publiée. Elle savait dès longtemps l’inconduite de sa belle-sœur, mais ce scandale historique ne lui en était pas moins cruel. Elle aussi réclamait un mariage.

Il n’y avait donc pas à reculer ; et, sans y regarder de si près, madame du Cayla mit la main sur un attaché à la légation de Naples, jeune homme de belle figure, de haute naissance, mais fort débauché et perdu de dettes.

Tel que le voilà, le comte Lucchesi était patemment à la Haye depuis dix-huit mois et ne s’en était pas absenté vingt-quatre heures ; toutes les légations européennes accréditées en Hollande pouvaient en faire foi. Mais madame du Cayla ne s’arrêta pas à ces considérations secondaires. Elle fit de belles phrases à monsieur de Lucchesi sur un si admirable dévouement à la sœur de son souverain, la postérité n’aurait pas assez d’éloges à lui donner, d’autels à lui dresser…

Puis survint Ouvrard, avec les arguments irrésistibles de don Basile, et cent mille écus décidèrent le comte Hector de Lucchesi-Palli, fils du prince de Campoforte, à mettre son nom à la merci des intrigants qui le lui