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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

d’Hautefort fut accueillie par tout le parti carliste avec la plus excessive malveillance. Dans sa province d’Anjou, les portes lui furent presque fermées et, l’hiver suivant, elle eut la naïveté de me faire dire, par un ami commun, qu’elle n’osait pas venir chez moi dans la crainte d’accréditer le bruit répandu qu’elle était vendue au gouvernement.

Malgré l’étrange rôle qu’elle nous faisait jouer par là, à toutes deux, cela m’a paru si ridiculement absurde que j’ai toujours négligé de m’en fâcher. J’ignore, au reste, ce qu’on lui reprochait ; mais il n’y a pas d’invention saugrenue dont les exaltés du parti carliste ne soient capables.

Le 9 juin 1833, madame la duchesse de Berry s’embarqua à bord de la frégate l’Agathe, avec sa fille, le prince et la princesse Théodore de Bauffremont et le comte de Mesnard.

À son instante prière, le général Bugeaud consentit à l’accompagner ; il manda à Paris ne pouvoir refuser cette marque d’amitié à toute l’affection filiale qu’elle lui montrait. Il avait la bonhomie d’y croire ; son erreur ne fut pas de longue durée.

Dès que les côtes eurent suffisamment disparu pour ne plus laisser chance de retour, la princesse changea de procédés, et, parvenue en rade de Palerme, elle ne daigna pas prendre congé de lui sur le vaisseau, ni l’inviter à la venir voir à terre.

Bugeaud avait innocemment pris au positif les protestations de Marie-Caroline de le considérer comme un père. Il fut outré, et courroucé surtout du maussade voyage entrepris par pur zèle à sa suite. Il écrivit ici des lamentations sentimentales sur l’ingratitude de madame la duchesse de Berry qui ne laissèrent pas d’être fort divertissantes.