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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

son rôle à Blaye nécessitait des mesures de surveillance qui paraissent oppressives et qui deviennent inutiles à bord ; de là, l’aversion de la duchesse qui trouvait une différence entre le traitement à la citadelle et à bord de l’Agathe.

« Aussi le général Bugeaud est-il fort mécontent de la duchesse, qu’il appelle ingrate, et je crois aussi un peu de la marine qui, selon lui, a été trop obséquieuse envers l’héroïne de Nantes.

« Je n’ai pas vu une seule fois la mère embrasser son enfant ou s’en occuper ; elle était toute à la joie de recouvrer la liberté et au plaisir d’arriver juste pour les fêtes de sainte Rosalie qu’elle craignait beaucoup de manquer.

« La petite fille est forte et bien portante ; c’est la nourrice ou une femme de chambre qui la tient toujours. Pendant la traversée, la mère s’en est un peu occupée. Cette petite lui ressemble, et elle-même n’a pas embelli : elle est maigre, noire et peu attrayante.

« Je ne vous parlerai pas de sa suite, de la petite princesse de Bauffremont, minaudière s’il en fut, et de son époux, grand, froid et plus qu’ordinaire (on le nommait prince Toto à la Cour).

« Monsieur de Mesnard mérite cependant une mention particulière, à cause de la mine qu’il fit dès que le comte Lucchesi parut. Il y avait dans sa contenance de la jalousie, du dépit, de la résignation. Son nez était écarlate (on dit que, chez lui, c’est un indice de colère), mais, en habile courtisan, c’est le seul qu’il ait laissé percer.

« On dit que, pendant la traversée, ses manières avec la duchesse avaient toute la gêne d’un ancien amant qui a échangé les douceurs de l’amour contre l’importance et l’influence d’un vieil ami.

« Vers deux heures, le comte Lucchesi est venu à bord,