Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
217
EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

« C’est ainsi qu’il a refusé de dîner avec la duchesse parce qu’il a su qu’elle n’inviterait pas le général Bugeaud, et il l’accablait de prévenances, de politesses les plus recherchées. Ne croyez pas que ma vieille amitié pour Turpin m’ait aveuglé. S’il en était autrement, je le dirais de même. J’aime mes amis, mais je ne suis ni aveugle, ni muet sur leurs fautes et leurs défauts.

« D’ailleurs là, je fais presque de l’histoire, je dois donc être avant tout véridique, et vous savez que je le fus toujours.

« Encore une anecdote. Peu de jours après le départ de Blaye, la casquette du général Bugeaud tomba à la mer. La duchesse lui dit : « Général, si on rapportait votre casquette à madame Bugeaud, elle vous croirait noyé.

« — Bah ! répondit le général, cela ne fait rien, Madame, une veuve trouve toujours de beaux garçons pour la consoler ».

« Il est presque certain que la duchesse se rendra sous peu à Prague.

« On assure que c’est à cette condition que messieurs de Mesnard et de Bauffremont ont consenti à l’accompagner. On veut en imposer au parti et voilà tout ; car on a saisi à travers les propos de ces messieurs qu’ils ne seraient pas éloignés de se rallier à l’ordre de choses actuel.

« Le premier, monsieur de Mesnard, disait au général Bugeaud que la branche aînée avait laissé tomber la couronne et que Louis-Philippe n’avait fait que la ramasser. « Oui, lui répondit le général ; mais nous l’avons attachée sur sa tête, et nous saurons nous battre pour la lui maintenir. » Le propos est un peu militaire, mais il faut convenir qu’il est vrai et surtout bien adressé.