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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/25

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

de tout il n’a pas la permission de dire une parole, ou de faire un geste, sans les voir contrôler.

— Tâchez pourtant de lui faire comprendre combien il se sacrifie inutilement. Parlez-lui surtout des dangers du pays auquel il est si dévoué.

— J’essaierai de lui rapporter vos paroles, car les miennes n’auraient aucune influence. Il est accoutumé à nous commander et non pas à nous écouter, et les conseils ne peuvent lui arriver utilement par notre bouche. Au reste, votre message n’est pas le seul dont je suis chargé. J’ai rencontré Fabvier à votre porte. Arrivé ce matin même de Lyon, il trouve les affaires bien différentes de ce qu’il les croyait ; il vient de parcourir la ville et de se recorder avec ses amis : « Jusqu’à présent, m’a-t-il dit, ils ne se sont mêlés de rien ; mais, d’ici à une heure, chaque groupe aura à sa tête un chef intelligent, un officier capable et on s’en apercevra. Il ne faut pas s’y tromper, m’a-t-il dit, le peuple est sérieusement au jeu ; le mouvement, pour être spontané, n’en est que plus violent et, ce qui le fera réussir, c’est de n’être le résultat d’aucune conspiration. »

La Rue, comme de raison, avait répondu à son ancien camarade :

« Nous serons prêts à bien recevoir ceux qui nous attaqueraient, et nous aurons sur eux l’avantage de faire notre devoir.

— Devoir tant que tu voudras, mais dis au maréchal que, s’il laisse engager la partie sérieusement, il peut la tenir pour perdue. La troupe ne peut rien dans une ville contre une population unanime et exaspérée. Il y a encore un peu d’hésitation à commencer, mais, si une fois on se sent tout à fait compromis, ce sera sans ressource. »

Sans attacher par trop d’importance à un langage que