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MORT DE MONSIEUR DE TALLEYRAND

s’entendit pour éviter les persécutions auxquelles il se craignait destiné si ses derniers soupirs s’exhalaient à Paris.

Les dispositions hostilement dévotes de la Cour y auraient trouvé un agent plein du zèle le plus acerbe dans l’archevêque, monsieur de Quélen, et on n’aurait épargné aucune humiliation ni aucune amertume à monsieur de Talleyrand qui, malgré toutes les vicissitudes de son existence sociale, tenait à mourir en gentilhomme et en chrétien, si ce n’est en prêtre. La pensée d’une abjuration ou d’un scandale public lui était presque également odieuse, et il était bien décidé à ne point s’y exposer.

La vie de Rochecotte ne lui était pourtant pas agréable. Les nouvelles intimités de la duchesse de Dino l’avaient peuplé d’une nuée de jeunes littérateurs libéraux qui préludaient à l’importance que la jeunesse s’est attribuée depuis 1830 et n’avaient pas, pour monsieur de Talleyrand, la déférence que les convenances auraient exigée de gens ayant plus de savoir-vivre.

Il commença par en souffrir ; mais, en reprenant plus de santé, il recouvra de l’énergie et se décida à user de ces jeunes talents qui pensaient le dominer. L’ambition se réveillant en lui, il mit la main sur Thiers, qu’il n’eut pas de peine à distinguer entre tous, et se prit à l’exploiter.

Dans l’automne de 1829, le prince de Talleyrand, rassuré sur les craintes que lui avait causées sa santé, revint à Paris et y passa tout l’hiver suivant, mais toujours au pied levé, n’annonçant point le projet d’un long séjour et prêt à partir au premier symptôme de maladie.

Il fit promettre à madame de Dino de le faire mettre en route, si lui-même perdait la faculté d’énoncer une