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MORT DE LA DUCHESSE DE WURTEMBERG

remarqua un groupe représentant Jeanne d’Arc à sa première bataille. La guerrière passe sur le corps d’un ennemi renversé et partage la répugnance de son cheval. L’expression de candeur et de pitié, qui se mêle sur son visage à celle de l’inspiration, est aussi supérieurement sentie que rendue, et le modelé des figures et des chevaux sans reproche. Les connaisseurs se passionnaient pour ce joli ouvrage d’un auteur anonyme.

Au second bal, quelques indiscrétions désignèrent le nom de la princesse Marie. Ce fut ainsi que son talent si remarquable pour la sculpture fut révélé. Il avait été tenu caché jusque-là dans le fond de son atelier, et monsieur le duc d’Orléans n’avait obtenu qu’à grand’peine la permission de faire mouler ce groupe.

Elle travaillait, dans le même temps, un magnifique surtout que monsieur le duc d’Orléans fait faire dans le style de la Renaissance et qui peut rivaliser avec les plus beaux ouvrages de Benvenuto Cellini.

Ne s’en tenant pas à un seul genre, la princesse Marie composa des dessins de vitraux, dont on voit un échantillon dans la chapelle de Saint-Saturnin, à Fontainebleau. Elle en avait déjà fait exécuter pour son cabinet et pour un pavillon gothique du château de Laeken. Mais son portefeuille en était encore riche, lorsqu’il fut consumé par un incendie dont je parlerai plus tard.

Je ne sais pas précisément à quelle époque le Roi lui commanda la statue de Jeanne d’Arc pour Versailles. Le secret en fut gardé, même pour l’intimité, et la statue était placée avant que personne ne se doutât de son existence. Je ne crois pas qu’il y eût de flatterie dans l’admiration générale qu’elle excita, lorsqu’elle fut livrée aux yeux du public, à l’ouverture du palais de Versailles. On ne flatte guère les femmes au temps où nous vivons, et point du tout les princesses.