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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/306

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MORT DE LA DUCHESSE DE WURTEMBERG

neige, par quinze degrés de froid. Il faut que le camarade de traîneau soit bien agréable pour embellir autant une telle promenade ! Au reste, toutes ses lettres respiraient le bonheur et contenaient des hymnes en l’honneur du duc Alexandre.

Toutefois, le goût de l’indépendance ne se démentait pas. Lorsque la petite Cour de Cobourg se transporta à Gotha, elle refusa de loger au palais et s’installa dans un pavillon contigu qu’elle fit meubler. Il était si peu vaste que le royal ménage ne le pouvait habiter qu’avec deux valets seulement.

La princesse avait, dès longtemps, la fantaisie de préparer de ses mains le chocolat qu’elle prenait de grand matin. Le poêle allemand ne lui permettant pas de le faire sur son feu, comme en France, on lui apportait un petit réchaud à l’esprit-de-vin qu’on posait sur sa table de nuit. Un jour, la dentelle de son oreiller prit feu. La princesse et sa femme de chambre, en cherchant à l’éteindre, renversèrent le réchaud. L’esprit-de-vin enflammé se répandit sur tout le lit, placé dans une alcôve drapée de mousseline.

L’incendie fut si rapide, si complet, que la princesse n’eut que le temps de se sauver en pantoufles, enveloppée d’une robe de chambre que sa suivante lui jeta sur le corps. Leurs cris attirèrent le duc Alexandre ; mais déjà on ne pouvait que difficilement entrer dans la chambre, et l’isolement où ils se trouvaient retarda tellement les secours que tout se trouva consumé.

Au reste, il aurait été fort difficile d’éteindre un feu si actif, dans un moment où un froid de dix-huit degrés ne permettait pas même l’espoir de se procurer de l’eau. Aussi le pavillon brûla-t-il jusqu’à terre et, dans ses ruines, furent enfouis tout ce que possédait la princesse Marie, ses diamants, ses parures, et, ce qui était plus irrépara-