Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

ils étaient d’être tombés dans cette erreur leur fit renoncer plus facilement au projet du départ. Ils l’avaient formé avec le Nonce. Castelcicala hésitait. Sir Charles Stuart s’y opposait. Pozzo, en entraînant monsieur de Werther, trancha la question de ce côté. Mais l’argument le plus concluant à faire valoir dans leurs idées diplomatiques porta sur ce qu’ils n’avaient pas été appelés par Charles x. L’habileté consiste à parler à chacun le langage qu’il convient.

Aussitôt mon arrivée chez moi, j’écrivis le résultat de ma conversation avec l’ambassadeur de Russie, et je l’expédiai tout de suite à Neuilly.

Pendant mon absence, il était venu plusieurs personnes chez moi, entre autres madame Récamier. Elle m’avait attendu longtemps et avait fini par laisser sur ma table un petit billet où elle me témoignait un grand regret de ne m’avoir pas trouvée et un vif désir de causer avec moi d’une personne qu’elle voyait, à regret, bien irritée.

Je compris facilement qu’il s’agissait de monsieur de Chateaubriand. Précisément, il en avait été question le matin dans ma conversation avec Mademoiselle, et nous étions convenues qu’il serait bien désirable de le rallier aux intérêts du pays. Je le connaissais trop pour le croire un auxiliaire fort utile, mais je le savais un adversaire formidable.

Monsieur de Chateaubriand est un homme qu’on n’acquiert qu’en se mettant complètement sous sa tutelle, et encore s’ennuierait-il bientôt de conduire dans une route facile. Il appellerait cela suivre une ornière et voudrait se créer des obstacles, pour avoir l’amusement de les franchir.

J’étais par trop fatiguée pour songer à aller chez madame Récamier où je ne pouvais arriver qu’à pied. Je