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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

avec Lobinski. Il avait apporté une petite écritoire de poche ; je lui fis une plaisanterie sur cette précaution. Il me donna la plume : « Gardez-là, me dit-il, comme une plume d’honneur. Vous l’avez bien méritée. Vous ne savez pas vous-même toute l’étendue du service que vous avez rendu, non seulement à votre pays, mais à l’Europe entière qui vous devra le maintien de la paix. Soyez bien contente de vous-même, madame ; vous avez droit de l’être. »

Je voulus prendre cette allocution solennelle en riant et j’acceptai la plume : « Je parle très sérieusement, reprit-il ; vous ne savez pas la portée de ce que vous avez empêché ; réjouissez-vous-en comme française, je vous en remercie comme russe. »

Ces paroles de Lobinski m’ont fait penser que ces dépêches, si bénévoles pour nous, en remplaçaient d’autres d’une toute autre tendance.

Ce fut aussi l’opinion de monsieur Pasquier, à qui je les rapportai sur-le-champ. Peut-être cependant ne faisaient-elles allusion qu’au projet, formé par le corps diplomatique, de se rendre à Rambouillet et que Pozzo avait déjoué. Je n’en ai pas su davantage. Mes rapports d’intimité avec l’ambassadeur ne me permettaient pas de pousser Lobinski de questions.

Monsieur Pasquier arriva. Nous attendîmes la fin de la conférence avec Pozzo, qui fut fort longue. Aussitôt que je le vis sortir, je menai monsieur Pasquier dans le salon, où il devait le remplacer, et je me retirai. On voit que je n’ai guère été dans tout cela que la mouche du coche.

J’avais remarqué dans ma course du matin que les fiacres commençaient à circuler, quoique difficilement. J’en avais envoyé chercher un, et, lorsque monsieur Pasquier eut quitté Mademoiselle, je lui proposai de