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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/112

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LADY HAMILTON

Le moment de quitter Naples approchait. Le chevalier Legard demanda derechef à mes parents de le suivre en Angleterre. Les communications avec Saint-Domingue, dont on espérait encore quelques secours, y étaient plus faciles. Mon père avait conservé en Hollande tout son mobilier d’ambassade dont on pouvait tirer quelque parti. Enfin, et au pis aller, sir John Legard offrait chez lui, avec toute la délicatesse possible, une retraite honorable. Pendant les dix mois que nous avions passés à Naples, il avait comblé mes parents de toutes les marques d’amitié. En restant en Italie, nous devions tomber incessamment à la charge de Mesdames. Elles-mêmes commençaient à se trouver dans la gêne, et leurs entours ne verraient pas volontiers une nouvelle famille s’installer dans leur commensalité.

Toutes ces réflexions décidèrent mes parents à accepter les offres pressantes du chevalier Legard, après en avoir obtenu l’agrément de Madame Adélaïde. Elle consentit à leur départ, en ajoutant que, s’ils ne trouvaient pas à s’établir en Angleterre, tant qu’elle aurait un morceau de pain, elle le partagerait avec eux. La reine de Naples essayer de conserver ma mère à Naples ; elle lui offrit même une petite pension, mais alors on espérait encore dans ses propres ressources. La Reine, d’ailleurs, passait pour capricieuse, et la faveur de Lady Hamilton commençait. Cette Lady Hamilton a eu une si fâcheuse célébrité que je crois devoir en parler.

Monsieur Greville, entrant un jour dans sa cuisine, vit au coin de la cheminée une jeune fille n’ayant qu’un pied chaussé, parce qu’elle raccommodait le gros bas de laine noire destiné à couvrir l’autre. En levant les yeux, elle lui montra une beauté céleste. Il découvrit qu’elle était la sœur de son palefrenier. Il n’eut pas grand’peine à lui faire monter l’escalier et à l’établir